La séance d'inspection
« En théorie, l'inspecteur débute sa séance d'inspection dans la salle de classe. Mais beaucoup d'entre eux portent également attention au cadre général de l'établissement », explique un inspecteur.
L'inspection de Guillaume a eu lieu pendant une demi-matinée, soit à peu près une heure trente, en commençant le matin à neuf heures. Le programme de la matinée de l'inspecteur était particulièrement chargé puisque ce dernier devait inspecter une collègue de Guillaume dans la matinée également. L'inspecteur a vérifié les documents administratifs, les cahiers des élèves, le cahier d'appel et le cahier des devoirs.
Au-delà de ce témoignage, le travail de l'inspecteur consiste également à observer le fonctionnement de la classe à travers la posture de l'enseignant vis-à-vis de ses élèves, la démarche d'apprentissage qu'il adopte et la réalisation des objectifs qu'il s'est fixés. La consultation des outils de travail de l'élève (cahiers) mais aussi ceux du maître (cahier-journal, fiches de préparation, programmations, etc.) livre des éléments concrets d'observation qui pourront nourrir, dans un second temps, la réflexion partagée sur les choix opérés par l'enseignant et les résultats constatés non seulement sur la seule séance ou partie de séance observée, mais sur une période plus longue en fonction du moment de l'inspection dans l'année scolaire.
Il s'agit également d'observer les élèves au travail, de voir comment ils réagissent aux consignes données par l'enseignant et de juger de l'adaptation des supports retenus en fonction des situations rencontrées. Enfin, la progression des apprentissages au cours de la séance, tout comme celle envisagée dans la séquence, voire celle programmée sur une période plus longue, restent des éléments indispensables pour vérifier la cohérence de l'ensemble.
La prise en compte des besoins individuels des élèves reste par ailleurs un aspect essentiel de la démarche d'inspection afin de vérifier que les obligations dans ce domaine sont bien respectées.
Le déroulement de l'inspection s'est très bien passé pour Cécilia. Les présentations ont été faites juste avant le cours, et l'inspecteur lui a précisé qu'il cherchait, en plus d'évaluer, à donner des conseils. Pendant le cours, l'inspecteur n'est pas intervenu à l'oral. « Rien ne l'en empêche, et tout dépendra de la situation », précise un inspecteur. « De fait, un inspecteur interviendra seulement s'il sent le professeur à l'aise face à la classe. Dans un cas contraire, il laissera la séance se dérouler, afin de ne pas gêner le professeur. » L'intervention à l'oral des inspecteurs pendant la séance d'inspection est cependant rare et correspond souvent à des situations particulières. « En cas de manquement aux règles de sécurité, l'inspecteur sera amené à intervenir, comme la loi le lui oblige », évoque un inspecteur. Au cours de la séance d'inspection de Cécilia, l'inspecteur a demandé à voir quelques cahiers d'élèves, le cahier de présence et le cahier de texte de la classe.
Au cours de la séance d'inspection, plusieurs critères vont être évalués par l'inspecteur. « Les critères d'évaluation sont laissés de manière fine à l'appréciation de l'inspecteur », rappelle un inspecteur. « L'inspection appréhende la connaissance scientifique de la discipline du professeur, et l'encadrement que le professeur met en place afin de transmettre le contenu du cours aux élèves. » Si l'exactitude de la connaissance de la matière transmise est bien évidemment évaluée, le cadre de transmission pédagogique est lui aussi contrôlé, bien qu'ici, la latitude du professeur soit plus grande, et ce en fonction des différents contextes de la classe. « Le professeur est entièrement libre de choisir et d'utiliser la méthode pédagogique qui lui paraît adaptée. À lui de montrer que celle-ci permet aux élèves d'appréhender le cours de la meilleure manière possible », explique un inspecteur.
La fin de la séance d'inspection a lieu à la fin du cours. De l'avis d'un inspecteur, « la diversité des méthodes d'inspection reflète souvent une liberté totale de l'inspecteur. Il n'existe pas de culture de l'inspection. » Cette situation donne une grande latitude à l'inspecteur qui peut être amené à évaluer de manière différente en fonction du contexte. En revanche, on note chez les enseignants des demandes d'éclaircissement sur les méthodes utilisées pour inspecter. Dans bien des cas, l'impression relevée chez ces derniers est que l'inspection est pour beaucoup une affaire de personne, plus que de critères objectifs.
Certains inspecteurs apportent avec eux lors des séances d'inspection des grilles d'évaluation qui leur permettent de s'appuyer sur des critères pour contrôler le travail des professeurs. Mais ce n'est en aucun cas une règle. Cette grande marge de manœuvre quant à la manière d'inspecter est défendue par l'Inspection générale de l'Éducation nationale, et ce en vertu de la nécessité de prendre en compte la spécificité de l'enseignement de chaque professeur.
Dominique Borne, doyen de l'Inspection générale de l'Éducation nationale, évoquait la question de l'évaluation des professeurs lors des Journées des inspecteurs du second degré en 2004 : « Quand nous observons les enseignements, nous devons observer dans les classes les élèves et leurs résultats. Le jugement que nous pouvons porter sur les méthodes adoptées et les contenus transmis comme les conseils que nous donnons aux enseignants sur leurs pratiques ne peuvent être utiles que s'ils tentent d'améliorer l'efficacité de l'enseignement. Ce qui compte, ce n'est pas de déterminer si un enseignant est bien dans l'épure que nous aimons dessiner comme un idéal ; nous avons trop tendance à porter des jugements normatifs. La question essentielle est de savoir comment cette séance a permis à ces élèves d'apprendre et de comprendre. Ce qui est observé ici n'est pas transposable ailleurs parce que le professeur est différent, que les élèves sont différents. »